22 février 2005

Cher toi-même

Cher toi-même

Depuis ce matin, j’ai passé mon temps à t’observer. Et je ne vais pas y aller par quatre chemins : tu m’as terriblement déçu, oui, déçu, après tant d’années à vivre avec toi. Tout en toi respire la terrible, petite, mesquine, répétitive habitude.

J’avais de grands espoirs pour toi, pourtant. A 20 ans, je m’en souviens, tout te souriait, la vie était un immense terrain de jeux, chaque jour était nouveau, le meilleur était imaginable, le pire n’existait pas. Du jour au lendemain tu pouvais devenir musicien, savant, astronaute. En un clin d’œil tu étais héros, amant, voyageur.

D’accord tu as tout essayé.

Musicien ? Oui, mais tu as séché trop de cours de guitare au conservatoire de la mairie du quartier.

Savant. C’est vrai, tu aimais tellement ça, jusqu’au jour où tu as fait exploser un mélange oxygène-hydrogène en cours de chimie, et ta carrière s’est évaporée.

Astronaute… Ah ! Tu en as rêvé. Dommage qu’ils ne prennent pas les porteurs de lunettes, sinon tu aurais peut-être été au ciel.

Héros, oui, héros, quelle fierté lorsque tu as bravement éteint le feu d’huile que tu avais provoqué en voulant faire des frites. Les pompiers t’ont félicité, oui, félicité.

Amant. Amant…Ta femme s’en souvient encore. Enfin je pense.

Voyageur, hum ! C’est vrai que tu as fait toute l’Europe en inter-rail, c’était si chouette, sauf les nuits à dormir sur le sol des gares.

Que sont devenus tes promesses, tes élans, tes espoirs ?

Ce matin, tu t’es levé au son du réveil, du réveil …

Tu as pris ton café comme tous les matins : même heure, même place à table, même tartines, mêmes miettes.

Tu t’es habillé avec ce costume, avec cette cravate – encore cette cravate.

Tu as pris ta voiture et il y avait encore un p.v. sur le pare-brise.

Tu as perdu tout ce temps dans les embouteillages, une vraie saleté la traversée du pont de Neuilly à cet heure là.

Tu as fait tout ce travail, le même qu’hier, tu as parlé à tous ces gens, les mêmes que demain, et tu es rentré chez toi après d’autres embouteillages.

Et te voilà, ce soir, devant moi, devant cette glace, et je te le dis, pour la dernière fois, tu m’as déçu, oui déçu.

Je te somme de changer. Ne me déçois plus ou je te quitte.

ASM, mercredi 15 septembre 2004

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