10 octobre 2005

Il teatro di Marcello


Marcello il gatto Posted by Picasa

Marcello, c’est moi.
J’habite ici depuis des siècles. Ça n’est pas que j’ai vécu plus de sept vies, il y a des limites quand même. C’est juste que ce lieu appartient à ma famille. La famille, chez nous, c’est très important. Si je croyais en Dieu, je dirais que c’est sacré. Mais nous sommes une famille de mécréants, de matous mal léchés. Alors je ne crois qu’en ce que je vois et en ce que je peux manger. Manger n’est pas un problème ici. Les humains gâchent tellement de bonnes choses. Il n’y a qu’à se baisser pour ramasser. Ça a toujours été comme ça. On raconte dans la famille l’histoire de ces barbares venus voler les richesses des humains d’ici, il y a des lunes et des lunes. Ils se sont vite habitués à vivre dans la débauche, et ils sont devenus comme ceux d’ici ; à nous les belles arêtes de poisson, les restes de pâtés de sanglier, les morceaux de bœuf en sauce abandonnés dans les poubelles.
Les barbares viennent encore aujourd’hui à Rome. Mais ils ne font pas comme leurs ancêtres, ils ne se mêlent pas aux autochtones. Ils viennent, ils voient et ils s’en vont. J’en vois beaucoup chez moi. Ça n’est pas pour rien qu’on appelle ce lieu théâtre de Marcello : tous les jours, je fais une représentation exceptionnelle. Ils aiment ça, je le sais au bruit qu’ils font avec leurs petites boîtes à images ; c’est leur façon à eux de ronronner.
Moi, mon travail, c’est de déambuler entre les ruines. Je le fais très lentement, sinon ils n’arrivent pas à ronronner. Je m’approche d’eux tranquillement, je m’assois, je tourne la tête. Je m’allonge, je ferme les yeux : ils adorent. Au bout d’un moment, ils s’en vont, fin de séance, je me repose un peu ou je vais manger sur le pouce, dans les poubelles du snack-bar d’à côté. Et puis d’autres arrivent, nouvelle séance. Je me place en fonction du soleil : pas d’ombre sur mon pelage, sauf en plein été parce qu’il fait trop chaud. Je ne me plains pas, le travail est régulier, et pas trop fatigant, tous les artistes ne peuvent pas en dire autant.
Pour les vacances, je vais au Largo Argentina. Il y a là les minettes les plus chaudes de Rome, j’adore ça. Il faut les séduire, mais au fond elles ne sont pas farouches. On miaule toute la nuit et on s’amuse bien. Ça dure quinze jours, et puis je sais qu’il faut que je rentre. « The chat must go on », comme ils disent en Amérique.
Allez, il faut que j’y aille. En scène, Marcello 123e du nom, pape des chats de Rome.

Rome, le 2 octobre 2005
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