13 février 2006

Le Lac

C’est un royaume minuscule, sur les rives d’un lac savoyard. Un terrain étroit, tout en longueur, coincé entre la voie ferrée et l’eau verte. On y accède par un chemin qui se détache de la route nationale où les voitures passent rapidement. On passe sur un pont au-dessus de la voie ferrée, agrémenté de panneaux d’avertissement à têtes de mort entourées d’éclairs électriques, fascinantes et mystérieuses pour les enfants qui circulent à pieds et en vélo.

Un petit parking et un portail blanc : un chemin privé qui longe la voie à gauche, et qui descend en pente douce jusqu’à la plage. A droite, une maison moderne tout en toit pentu, en fait deux maisons jumelles symétriques accolées, et au-delà, la masse d’eau du lac. Partout résonnent les cris d’enfants et par un bel après-midi d’été, le regard est ébloui par les reflets du soleil. On distingue des formes mouvantes, des éclaboussures et loin, très loin, une abbaye, perdue dans la verdure de l’autre rive, à flanc de montagne.

Le terrain n’est que talus et murets, et la plage cailloux et roseaux. En automne, ce lieu n’appartient qu’aux oiseaux sauvages, mais en été, ils cèdent la place à une tribu, nombreuse et bruyante.

Les petits se défient, se courent après, s’égaillent ou se regroupent selon les affinités de l’instant. Parfois, un cri, une blessure, un incident qui ne dure pas. Les adolescents s’enferment loin des adultes ou passent de longues heures à discuter sur le radeau accroché à 30 mètres du rivage. Ils se cherchent entre eux, provoquent les parents, s’échappent quelques fois du royaume, reviennent toujours. Les adultes font une trêve dans leur vie, surveillent leur monde d’un œil depuis un transat ou un hamac, mettent de l’ordre dans les disputes, sonnent l’appel des repas, organisent une sortie en barque vers l’abbaye. Une ou deux fois dans l’été, petits et grands se réunissent pour une grande fête ou un spectacle dont la répétition les a mobilisés plusieurs après-midi de suite.

Parfois la pluie s’en mêle. Des échanges s’organisent entre familles, la maison remplace l’herbe et la plage, les parties de cartes remplacent les plongeons. Des placards qui sentent la poussière servent de cabanes.

Le matin, à l’aube quand tout le monde dort, il n’y aucun bruit, d’un bout à l’autre du terrain. Le lève-tôt solitaire, sortant de la maison, sent la fraîcheur de la rosée sous ses pieds-nus, et les picotements de la mauvaise herbe, sur le chemin. Sur les cailloux de la plage, il marche avec précautions, avant de s’installer sur une digue de pierre, face au lac. Il sent le vent sur sa peau, entend les cris des oiseaux et le petit moteur d’une barque de pêcheur. Au loin, dans l’air si transparent, il voit l’abbaye comme à portée de main. Et là, simplement, il se sent calme, infiniment.



Stage d’écriture « Ecrire la fiction », 13 février 2006.
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