07 novembre 2008

Bleu canard

Appuyé contre la portière de la voiture, il regarde, inquiet, dans la direction du chemin de sable sale qu’il a emprunté ¼ d’heure plus tôt. Quand il voit quelqu’un arriver, il se baisse derrière la voiture pour ne pas être vu. Il sait bien qu’il a fait une bêtise, il sait bien qu’il va se faire gronder. Pour la 3è fois, il entend une voix d’homme, dans un haut-parleur lointain, qui dit : « on recherche un petit garçon avec un maillot de bain bleu canard ». Il sait qu’on parle de lui. Il pourrait reprendre le chemin de sable sale, tenter de les retrouver, mais il reste là, espérant qu’ils viendront, persuadé qu’ils ne viendront pas, et il n’ose pas bouger, regarde ses pieds, trace une lettre dans le sable du bout de son pied nu. Il y avait cette foule, au bord de l’eau, qui lui faisait peur. Et puis ses parents, ses sœurs, et ses deux petits frères, dont sa mère s’occupe tout le temps. Son père, il n’est jamais là, toujours en voyage, et quand il est là, il ne supporte pas les cris des enfants. Soit il lit son journal dans son coin, soit il crie lui-même. Le petit garçon se dit qu’il ne les verra plus, qu’ils ne le retrouveront pas. Il se dit que tout le monde s’en fiche qu’il soit là au lieu d’être avec tout le monde sur la plage ; sinon, ils seraient venus le chercher, près de la voiture. Il ne leur sert à rien : il n’est ni petit, ni grand, il est empoté, comme dit sa mère, et il ne sait pas les choses que son père voudrait qu’il sache. Comme il ne les sait pas, son père crie et lui fait peur. Sans doute qu’ils vont l’oublier. Il s’accroupit, près de la voiture fermée à clé, et il entend encore une fois l’homme du haut-parleur qui parle d’un petit garçon avec un maillot de bain bleu canard. Il repense à cette visite chez le médecin avec sa mère, quelques jours plus tôt. Le médecin lui avait demandé : « alors, qu’est-ce qui t’arrive mon garçon ? » Mais sa mère avait répondu à sa place, avait parlé d’elle, de sa famille, de son propre père médecin, de ci et de ça, et il avait ressenti de la colère, mais il ne savait pas pourquoi. C’était déjà une chance qu’elle soit avec lui et pas avec ses petits frères. Alors, chez le médecin, il s’était tu, et devant la voiture, en maillot de bain bleu canard, il se tait et regarde fixement vers le chemin de sable sale.
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