31 juillet 2006

Déchirure

Il est rentré à la maison avec le ventre qui se tordait. Il a trouvé ce mot : je ne rentre pas ce soir. De rage, il a déchiré tous les journaux féminins qu’il a pu trouver, et il a éparpillé les pages dans tout l’appartement. Quand l’amour fout le camp, quand il n’y a plus personne à qui parler, quand les mots ne servent plus à rien, il n’y a que ça à faire : déchirer, déchirer jusqu’à ce que ça passe. Ca ne passe pas, bien sûr, mais ça soulage un peu. Il se rappelle ces mots qu’une autre femme lui a dits un jour : tu ne peux pas aimer. Pourtant il en a de l’amour, il en a plein son cœur et sa tête mais il est enfermé, ce foutu amour, il ne peut pas sortir, il ne peut pas se partager. Alors il prend une bouteille de vin, une bouteille qu’ils avaient achetée ensemble deux ans plus tôt, quand il ne savait pas encore qu’il ne l’aimait plus. Il boit, mais le vin n’a pas de goût, si ce n’est celui de l’amertume. Il a envie de pleurer, de pleurer sur lui, mais les larmes ne sortent pas. Elles sont enfermées, elles aussi. Il pense aux gens qui comptent dans sa vie, il pense qu’il est foutu, que plus jamais il ne pourra regarder une femme avec les yeux du désir, avec les yeux de l’amour, il pense que jamais plus il ne pourra se réveiller le matin en se sentant léger, léger comme on devrait toujours se sentir, comme la vie devrait être. Il pense à ses enfants, qu’il aime si fort, et qui sont loin ce soir, et il est bien content qu’ils ne le voient pas dans cet état, avec ces feuilles de magazines féminins tout autour de lui, avec ses boyaux qui se tordent, avec son envie de ne pas exister. Il a envie de casser un vase, comme dans les films, mais il est trop sage, il le sait, et ça le met encore plus en rage de ne pas casser un foutu vase. Dans la cuisine, le robinet goutte et il se dit qu’il aurait du le réparer, mais qu’il a tout laissé en plan, le robinet et son amour pour elle, qui s’en est allé, goutte par goutte, dans l’évier, pour toujours.
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