Le train
Réveil en douceur: il émergeait déjà quand la sonnerie douce de l'alarme du téléphone a sonné. Peu de temps devant soi: prendre une douche, ranger ses affaires de nuit dans la valise préparée la veille. Ses babouches aussi, ne pas les oublier. C'est pratique les babouches: ça isole du froid et du chaud. Elles sont blanches, il les a reçues en cadeau lors d'un voyage au Maroc. Il les aime bien.
Il a allumé l'ordinateur et regardé rapidement ses mails: rien. Tant pis. Vite, sortir de la douche avec l'odeur du pamplemousse sur la peau, ressortir la trousse de toilette de la valise pour trouver le peigne, le bruit de la fermeture qui glisse quand il referme la valise.
Boire un thé trop chaud en vitesse en écoutant la météo: il va faire beau ce week-end. Rincer la tasse. Ah oui, la poubelle: elle est à peine remplie, il est resté seul toute la semaine. Mais il a passé des soirées devant l'ordinateur à boire de la grappa et à fumer. Ca pue la clope froide dans cette poubelle. Il sort le sac de plastique bleu, il noue ce fil de plastique orange avec difficulté, comme toujours, et ouvre la porte, ah oui, sa parka noire, il va faire beau mais quand même, la Normandie en avril. Sa petite valise noire à roulettes. Clic-clac, il ferme la porte à clé. Ascenseur, porte en verre et lourde porte en bois de l'immeuble, la rue. Belle lumière, peu de gens. Il regarde les filles qu’il croise. Un type tire de l'argent au distributeur : il a un casque sur la tête et a garé sa moto en plein milieu du trottoir à 1 mètre de lui. Il passe entre le type et sa moto et remarque les gants posés sur la selle. Il y a des travaux dans la rue, ils ont supprimé les places de stationnement et viennent de mettre des arceaux pour accrocher les vélos à la place. Il y a déjà deux vélos accrochés. La bouche de métro: il empoigne la valise et descend rapidement. Le type en bas des marches est toujours là. Abattu. Hébété. Des années qu’il le voit, et il passe en courant.
Il se contorsionne pour passer le tourniquet avec sa valise à bout de bras. Des marches encore, le quai. En face la rame est immobile et une jolie fille, cheveux courts, appuie sa tête contre la vitre et ferme les yeux. Son métro arrive, il monte en observant une fille bcbg qui monte par l'autre porte. Très jolie mais très bcbg. Elle s'assoit en lui tournant le dos. Sur une banquette, une blonde, fine, l'air un peu triste. Il l'observe et il se dit que il s'entendrait bien avec elle. Elle se lève, elle est longiligne dans son jean, presque maigre. Elle marche les pieds un peu en dedans. Elle porte des basquets. Elle le frôle sans le regarder, mais il sais qu'elle l'a vu. Il lui a fallu longtemps, mais il a fini par développer un sens, celui de savoir qu’une femme l’a remarqué, en une fraction de seconde, dans la rue, le métro, la queue d'une expo.
Encore une station pour arriver à la gare. Descendre, monter, encore monter des escaliers avec sa valise. Il arrive devant les quais, il y a assez peu de monde. Trouver les guichets, courte attente derrière une étudiante anglaise qui n'a pas l'air très à l'aise en français. Elle ne le regarde pas. Elle a l'air stressée par le départ de son train. La beurette au guichet est assez froide. Pas de sourire. Dommage.
Sur le quai, il repère vite son train. Il y a une foule compacte juste devant le panneau d'affichage des trains au départ, et il doit soulever sa valise pour passer entre les gens et atteindre le marchand de journaux. Libé, "unvingtmerci", il fait rouler sa valise, dépasse les wagons de première (tiens, des premières, ah flûte c'est vrai que le train va à Deauville) puis des wagons de compartiments et il monte dans un corail. 10 minutes avant le départ. Apparemment le siège est réservé, on va bien voir s’il est délogé. Légère appréhension. Il reste pas mal de places libres. Un jeune couple s'installe face à lui, flûte, lui qui espérait pouvoir allonger ses jambes.
Le garçon est grand, lunettes, tête sage d'étudiant des grandes écoles. Pas le genre séducteur. Elle est petite, pull bleu pale, jean, visage d'étudiante des grandes écoles. Pas particulièrement jolie, pas moche non plus. Quelques boutons sur le visage. Nature, pas maquillée, pas Sophie-stickée. Il parie qu'ils se marient dans un an. Ils ont ces gestes et ces regards des néo-amoureux. Collés, ignorant du monde qui les entoure. Baisers mouillés, mains qui se cherchent à tout instant. Tout à leur bonheur sage. Il se demande si ce garçon est audacieux au lit. Il en doute. Il ne lui donne pas beaucoup d'expérience de l'amour et du corps des femmes.
Il lit son bouquin en les observant du coin de l'oeil. Déception quand elle sort un Sulitzer. Il s'attendait à quelque chose de plus intello.
Il les regarde qui s’endorment, appuyés l’un contre l’autre.
Un peu plus loin dans l’allée, un maman avec un petit. Elle a un joli décolleté et ça lui fait plaisir.
Aller, dans une heure, la Normandie.
24 avril 2006
Il a allumé l'ordinateur et regardé rapidement ses mails: rien. Tant pis. Vite, sortir de la douche avec l'odeur du pamplemousse sur la peau, ressortir la trousse de toilette de la valise pour trouver le peigne, le bruit de la fermeture qui glisse quand il referme la valise.
Boire un thé trop chaud en vitesse en écoutant la météo: il va faire beau ce week-end. Rincer la tasse. Ah oui, la poubelle: elle est à peine remplie, il est resté seul toute la semaine. Mais il a passé des soirées devant l'ordinateur à boire de la grappa et à fumer. Ca pue la clope froide dans cette poubelle. Il sort le sac de plastique bleu, il noue ce fil de plastique orange avec difficulté, comme toujours, et ouvre la porte, ah oui, sa parka noire, il va faire beau mais quand même, la Normandie en avril. Sa petite valise noire à roulettes. Clic-clac, il ferme la porte à clé. Ascenseur, porte en verre et lourde porte en bois de l'immeuble, la rue. Belle lumière, peu de gens. Il regarde les filles qu’il croise. Un type tire de l'argent au distributeur : il a un casque sur la tête et a garé sa moto en plein milieu du trottoir à 1 mètre de lui. Il passe entre le type et sa moto et remarque les gants posés sur la selle. Il y a des travaux dans la rue, ils ont supprimé les places de stationnement et viennent de mettre des arceaux pour accrocher les vélos à la place. Il y a déjà deux vélos accrochés. La bouche de métro: il empoigne la valise et descend rapidement. Le type en bas des marches est toujours là. Abattu. Hébété. Des années qu’il le voit, et il passe en courant.
Il se contorsionne pour passer le tourniquet avec sa valise à bout de bras. Des marches encore, le quai. En face la rame est immobile et une jolie fille, cheveux courts, appuie sa tête contre la vitre et ferme les yeux. Son métro arrive, il monte en observant une fille bcbg qui monte par l'autre porte. Très jolie mais très bcbg. Elle s'assoit en lui tournant le dos. Sur une banquette, une blonde, fine, l'air un peu triste. Il l'observe et il se dit que il s'entendrait bien avec elle. Elle se lève, elle est longiligne dans son jean, presque maigre. Elle marche les pieds un peu en dedans. Elle porte des basquets. Elle le frôle sans le regarder, mais il sais qu'elle l'a vu. Il lui a fallu longtemps, mais il a fini par développer un sens, celui de savoir qu’une femme l’a remarqué, en une fraction de seconde, dans la rue, le métro, la queue d'une expo.
Encore une station pour arriver à la gare. Descendre, monter, encore monter des escaliers avec sa valise. Il arrive devant les quais, il y a assez peu de monde. Trouver les guichets, courte attente derrière une étudiante anglaise qui n'a pas l'air très à l'aise en français. Elle ne le regarde pas. Elle a l'air stressée par le départ de son train. La beurette au guichet est assez froide. Pas de sourire. Dommage.
Sur le quai, il repère vite son train. Il y a une foule compacte juste devant le panneau d'affichage des trains au départ, et il doit soulever sa valise pour passer entre les gens et atteindre le marchand de journaux. Libé, "unvingtmerci", il fait rouler sa valise, dépasse les wagons de première (tiens, des premières, ah flûte c'est vrai que le train va à Deauville) puis des wagons de compartiments et il monte dans un corail. 10 minutes avant le départ. Apparemment le siège est réservé, on va bien voir s’il est délogé. Légère appréhension. Il reste pas mal de places libres. Un jeune couple s'installe face à lui, flûte, lui qui espérait pouvoir allonger ses jambes.
Le garçon est grand, lunettes, tête sage d'étudiant des grandes écoles. Pas le genre séducteur. Elle est petite, pull bleu pale, jean, visage d'étudiante des grandes écoles. Pas particulièrement jolie, pas moche non plus. Quelques boutons sur le visage. Nature, pas maquillée, pas Sophie-stickée. Il parie qu'ils se marient dans un an. Ils ont ces gestes et ces regards des néo-amoureux. Collés, ignorant du monde qui les entoure. Baisers mouillés, mains qui se cherchent à tout instant. Tout à leur bonheur sage. Il se demande si ce garçon est audacieux au lit. Il en doute. Il ne lui donne pas beaucoup d'expérience de l'amour et du corps des femmes.
Il lit son bouquin en les observant du coin de l'oeil. Déception quand elle sort un Sulitzer. Il s'attendait à quelque chose de plus intello.
Il les regarde qui s’endorment, appuyés l’un contre l’autre.
Un peu plus loin dans l’allée, un maman avec un petit. Elle a un joli décolleté et ça lui fait plaisir.
Aller, dans une heure, la Normandie.
24 avril 2006