24 octobre 2005

Humeur musicale

Des mois que je te cherche. Encore et encore. Et ce soir la recherche a enfin : "dans tes yeux", chanté par Guesch Patti et Gonzales. Enfin la voix de Guesch, sensuelle et un rien démodée. Et les graves de Gonzales. La basse, la basse. L'accordéon. Quelque chose qui me déclanche. Je l'écoute encore et encore. Pense à ce qui me fait du mal et ce qui me fait du bien. Je m'envoie un godet de poire et fume mon clop.

10 octobre 2005

Angelo


Bar Farnese Posted by Picasa

Angelo tient le bar Farnese, à deux pas du Campo de’ Fiori, à Rome. C’est un vieux monsieur, d’une grande politesse et surtout d’une grande gentillesse. Quand je suis rentré dans la minuscule salle et que je me suis accoudé au bar, je l’ai tout de suite reconnu. Il m’a apporté mon café, et ensuite un verre d’eau. Je l’observais en coin, hésitant à lui demander…
J’ai avalé la dernière goutte de café et je me suis lancé. « Scusi, lei si chiama Angelo ? », « excusez-moi, est-ce que vous vous appelez Angelo ? » Un peu surpris, il s’est tourné vers moi et a répondu positivement. Je lui ai raconté mon séjour à l’ambassade de France, 16 ans plus tôt, et le café que je venais prendre tous les matins dans son bar, avec Massimo, qui travaillait avec moi à l’ambassade.
« Je me disais bien que je connaissais votre visage », a t-il dit avec son sourire gentil. Ca m’a touché. Une jeune Romaine a passé la tête dans la salle pour demander un « caffè, freddo, macchiato ». Angelo a dit « bien sur, je vous en prie, asseyez-vous », et elle est allé s’asseoir à l’une des quelques tables disponibles en terrasse.
Notre conversation est tombée un peu à plat, et je suis parti en le saluant. Il m’a dit au revoir avec chaleur.
16 ans. Il a vieilli Angelo. Le Tibre a coulé sous les ponts pour moi aussi. Ca m’a fait plaisir de le recroiser.

Rome, le 30/9/5

Il teatro di Marcello


Marcello il gatto Posted by Picasa

Marcello, c’est moi.
J’habite ici depuis des siècles. Ça n’est pas que j’ai vécu plus de sept vies, il y a des limites quand même. C’est juste que ce lieu appartient à ma famille. La famille, chez nous, c’est très important. Si je croyais en Dieu, je dirais que c’est sacré. Mais nous sommes une famille de mécréants, de matous mal léchés. Alors je ne crois qu’en ce que je vois et en ce que je peux manger. Manger n’est pas un problème ici. Les humains gâchent tellement de bonnes choses. Il n’y a qu’à se baisser pour ramasser. Ça a toujours été comme ça. On raconte dans la famille l’histoire de ces barbares venus voler les richesses des humains d’ici, il y a des lunes et des lunes. Ils se sont vite habitués à vivre dans la débauche, et ils sont devenus comme ceux d’ici ; à nous les belles arêtes de poisson, les restes de pâtés de sanglier, les morceaux de bœuf en sauce abandonnés dans les poubelles.
Les barbares viennent encore aujourd’hui à Rome. Mais ils ne font pas comme leurs ancêtres, ils ne se mêlent pas aux autochtones. Ils viennent, ils voient et ils s’en vont. J’en vois beaucoup chez moi. Ça n’est pas pour rien qu’on appelle ce lieu théâtre de Marcello : tous les jours, je fais une représentation exceptionnelle. Ils aiment ça, je le sais au bruit qu’ils font avec leurs petites boîtes à images ; c’est leur façon à eux de ronronner.
Moi, mon travail, c’est de déambuler entre les ruines. Je le fais très lentement, sinon ils n’arrivent pas à ronronner. Je m’approche d’eux tranquillement, je m’assois, je tourne la tête. Je m’allonge, je ferme les yeux : ils adorent. Au bout d’un moment, ils s’en vont, fin de séance, je me repose un peu ou je vais manger sur le pouce, dans les poubelles du snack-bar d’à côté. Et puis d’autres arrivent, nouvelle séance. Je me place en fonction du soleil : pas d’ombre sur mon pelage, sauf en plein été parce qu’il fait trop chaud. Je ne me plains pas, le travail est régulier, et pas trop fatigant, tous les artistes ne peuvent pas en dire autant.
Pour les vacances, je vais au Largo Argentina. Il y a là les minettes les plus chaudes de Rome, j’adore ça. Il faut les séduire, mais au fond elles ne sont pas farouches. On miaule toute la nuit et on s’amuse bien. Ça dure quinze jours, et puis je sais qu’il faut que je rentre. « The chat must go on », comme ils disent en Amérique.
Allez, il faut que j’y aille. En scène, Marcello 123e du nom, pape des chats de Rome.

Rome, le 2 octobre 2005
Prévisions météo gratuites à 7 jours pour paris.