25 février 2006

Proverbe africain

Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d'où tu viens.

20 février 2006

Mots d'ivresse

Complainte du Mamelouk :
Je m’appelle Warz-El-Mamouk
Je suis un gros mamelouk
Mais faut pas me prendre pour un plouc

L’aut’soir j’ai rencontré Anouck
J’y ai dit vient dans ma felouque
Je t’amènerai jusqu’à Tobrouk

On a mangé notre casse-croûte
Et une et deux et trois choucroutes
Mais tu m’as piqué ma moumoute

Moralité : laisse tomber Anouck, préfère les mammouths


Dame Blanche :
Au Luxembourg, hier en février, une femme blanche et nue marchait sur un serpent
Loin, très loin, la mer effaçait sur le sable les pas des amants désunis
Mais qu’espérais-je au juste, au Luxembourg, sous le regard lourd de cette dame de pierre ?
« Femme, ta couronne m’étonne ! Tes pics piquent les pigeons, mais moi, je déconne ! »
J’ai vu ton regard blanc, j’ai vu ton cœur pris, dans la masse.
Père ? Fils ? Sein t’esprit ? Je suis tout ça et bien plus encore.
Adieu, femme blanche, chasse les pigeons chasse les serpents,
Moi je vais regarder les canards.


Brassage nocturne :
Je donnerais mes bras
Pour te tenir contre moi
Je donnerais ma bouche
Pour m’allonger dans ta couche
Je donnerais mon cœur
Pour boire de ta liqueur

18 février 2006

Kati

Allongée sur son lit, Kati observe Matthieu, immobile, nu, endormi, dans la pénombre. Elle pense que ce petit Français a le temps. Pas elle. Atteinte d’une maladie héréditaire du sang, elle sent à 25 ans ses forces qui diminuent déjà. Elle l’a mise dans son lit parce qu’il lui plait beaucoup. Comme tant de garçons, il est lent à comprendre ses propres sentiments. Elle va s’occuper de lui. Le week-end prochain, elle l’emmènera faire du ski de fond. Il y a tout plein de forêts pour ça autour d’Helsinki. Ils prendront le train. Juste avant, ils achèteront des harengs et du pain, pour le pique-nique. Kati n’aime pas les harengs, mais Matthieu fait une fixation sur les harengs depuis qu’il arrivé à Helsinki. Elle ne veut pas le décevoir. Dans le train, ils regarderont ensemble le paysage enneigé. Ils descendront dans une petite gare en pleine forêt. Elle l’aidera à chausser ses skis, il est si maladroit, si orgueilleux. Elle ira doucement. Il est plus fort qu’elle bien sur, mais maladroit. Elle, elle se sent plus faible qu’avant, mais elle a encore de l’énergie. Elle l’emmènera au bord d’un lac qu’elle aime. Elle lui montrera son coin préféré, à l’écart des promeneurs. Ils passeront un long moment au soleil, appuyés à un tronc d’arbre à manger des harengs, à se jeter de la neige ou a s’embrasser. Elle aime le mot français, « embrasser » qui veut dire entourer Matthieu de ses bras et poser un baiser sur ses lèvres.

Elle ne lui parlera pas cette fois du chalet de son père à la campagne pour les vacances de printemps. Pas encore. Quand ils repartiront, elle le défiera et il fera tout pour la doubler. Il arrivera en premier à la gare, il sera content. Dans le train du retour, il lui parlera de Paris, de l’Anjou, qu’elle aimerait tant connaître. De sa mère, peut être. Et le soir, chez elle, après l’amour, il s’endormira, et elle, elle le regardera. Fatiguée, épuisée. Mais heureuse.

Atelier « écrire la fiction », 17 février 06

Nicolas Bouvier

Comme souvent, j’avais laissé ce livre prendre la poussière sous ma table de nuit pendant quelques mois. Je l’avais reçu en cadeau de ma sœur pour mes 37 ans. J’ignore pourquoi je ne l’avais pas saisi plus tôt, dans cette pile qui traîne aux pieds de mon lit en permanence. Le nom de l’auteur m’était inconnu, le titre me semblait sentencieux peut-être, ou la couverture ne m’inspirait pas. Est-ce qu’il était le dernier qui restait de la pile ? Ou bien était-il simplement temps pour moi de le lire ? Un soir – c’était probablement le soir car je lis le plus souvent allongé sur mon lit avant de dormir – j’ai tendu la main et j’ai attrapé « l’usage du monde » de Nicolas Bouvier. A mes côtés, Béatrice dormait déjà, et c’est seul que j’entamais le voyage. Voyage lent, dans les années 50, de la Suisse à l’Inde, en passant par la Yougoslavie, la Grèce, la Turquie, l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan. Deux ans pour l’auteur et narrateur pour traverser ces lieux étranges, fascinants, avec un ami. Effrayants pour certains d’entre eux car ils sont associés aujourd’hui aux mots guerre civile, révolution islamiste, terrorisme.

Alors va, Nicolas, va sur les routes. Roule dans ta minuscule Fiat, dis-moi, raconte-moi les lieux et les gens comme tu le fais si bien. Tu dis bien peu de toi-même, mais portant, au fil du voyage, je te finis par bien te connaître. Tu me ressembles, Nicolas, même si tu es plus courageux que moi. Tes mots sont mes mots. Tes yeux, tes oreilles sont les miens, les miennes. Dans les champs macédoniens je me suis endormis. Mes mains se sont écorchées sur le moteur récalcitrant de la Fiat Topolino, cent fois démonté et réparé. J’ai senti le vent de la mer noire et le froid m’a transi à Tabriz, Iran, où j’ai passé l’hiver. La traversée abrutissante des déserts brûlants, la montée au ralenti des flancs de montagnes d’Asie. Quelle folie, Nicolas, quelle folie ce voyage. Merci pour tes mots, pour ta peau usée sur les sièges de la Topolino. Un autre que toi n’aurait pas tenu si longtemps. Voilà, un jour tu as traversé la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan à Khyber Pass et j’ai refermé le livre.

Ecrire, jouer de la musique rencontrer des gens magnifiques ou pitoyables, dangereux ou généreux, tu as su le faire à ta façon, une façon unique. Ma vie n’est pas la tienne, Nicolas. Mais je suis un peu plus libre, un peu plus courageux, inconscient ou clairvoyant grâce à toi, ici, chez moi.

Atelier « écrire la fiction », 17 février 06

16 février 2006

Rome-Helsinki

Matthieu avait terminé son maigre rapport et attendait l’heure de quitter le bureau, la tête dans les mains, accoudé à son bureau.

Ennuie. Quel ennuie ! Quel ennuie Kati ! Je déteste perdre. Et puis tu es bien trop maigre, je ne te laisserai pas faire ma jolie. Bien jolie. Kati Kati me veut dans son lit mais je n’ai pas dit oui. Un fois. Juste une. Oui. Mais pourquoi j’ai dit oui à maman ? Elle va encore venir me voir pour ranger mes placards. Elle ferait mieux de s’occuper des siens. Avec son air de condamnée. Condamnée à vivre toute sa vie seule. A ressasser. Vends la maison, laisse tomber l’Anjou maman ! Papa est parti il y a 20 ans ! Va où il y a des gens. Des hommes. Tiens, la côte d’Azur. Bien, ça ! Hum… mer, soleil… Qu’est-ce que je fous dans ce pays froid ? « Tu devrais essayer la Finlande ». Merci, Claude pour ce conseil. Toi à Rome, moi à Helsinki. Merci Claude. Au moins à Rome, tu as les Italiennes. Il serait temps que tu t’y mettes, Claude. A Rome il y a les Italiennes ! Il me tue ce mec. Il est entouré d’Italiennes et rien. Comment elle s’appelle la fille ? Silvia ? Silvana Mangano ! Silvana Mangano dans « Riz amer », les cuisses nues dans la rizière. « Riz amer », noir et blanc, cinéma réaliste italien, rétrospective au Champo, rue des Ecoles. Voilà Claude, tu trouves une rizière et tu t’y mets. « Claude et Silvana cueillent du riz sur la colline du Capitole, tandis que Matthieu et Kati font du ski à Helsinki ». Je pourrais acheter une paire plutôt que louer. Moins cher. J’irai vendredi soir à la boutique. Avec Kati. Je comprends rien à cette langue. Kati, ma traductrice officielle, viens m’aider ! Moi je vais m’occuper de toi. Je crois bien, oui. Je manque de souffle. C’est pour ça qu’elle m’a battu. Battu en neige. Neige au soleil. Soleil de minuit. Bon, pas rester ici jusqu’à minuit. Ciao !

Stage d’écriture « Ecrire la fiction », 16 février 2006.

15 février 2006

Helsinki

A 24 ans, Matthieu s’était installé avec grand plaisir à Helsinki. Envoyé pour son service national à l’ambassade de France pour une période obligée de 15 mois, il considérait le pays comme assez lointain pour enfin prendre son indépendance.

Il travaillait au service scientifique de l’ambassade, en tant que conseiller-adjoint. Son rôle consistait pour l’essentiel à lire des journaux et publications, et à participer à des séminaires et symposiums scientifiques, sur lesquels il écrivait des rapports qu’il envoyait chaque mois au ministère de la recherche à Paris.

Un jour, il s’aperçut avoir transmis par erreur un dossier vide. Il se rendit compte de la totale inutilité de sa tâche quand quelques jours plus tard, il reçut les remerciements habituels de son correspondant parisien. Il décida alors de se mettre sérieusement au ski de fond.

Lors d’une journée portes-ouvertes à l’ambassade, pour la promotion des techniques de pointe française comme le minitel, alors en plein essor, il rencontra Kati qui était hôtesse d’accueil. Chose inhabituelle pour une Finlandaise, elle était plus petite que lui, et cela lui plut. Elle parlait français pour avoir passé une année entière à s’occuper de gamins trop gâtés d’une famille du 16ème arrondissement de Paris. Des rencontres qu’elle avait faites, elle avait ramené le souvenir que les garçons français de son âge portaient tous des chaussettes burlington, alors que les Finlandais avait une nette prédilection pour les chaussettes de sport. Ce détail fournit le sujet de leur première conversation, et ils convinrent de se retrouver le week-end suivant pour se promener à skis de fond.

Ils partirent de bonne heure. La neige était fraîche et il faisait grand soleil. Ils glissèrent dans la forêt en se parlant assez peu pendant plusieurs heures. Matthieu était plutôt réservé, aussi fut-il assez surpris lorsque, lors d’une pause, alors qu’ils s’étaient assis côte à côte sur un tronc d’arbre, Kati se jeta sur lui et lui mis en riant une poignée de neige sous la chemise. Il n’eut pas le temps de se mettre en colère, car elle lui planta aussitôt un baiser sur les lèvres et s’enfuit en le mettant au défit de la rattraper. Elle avait beaucoup plus d’expérience que lui en ski de fond, et il ne réussit effectivement pas à la rejoindre avant le terme de la ballade. Il en fut passablement vexé. Il se jura de la battre un jour.

Kati était sportive et dans les semaines qui suivirent, l’essentiel de leurs rencontres se déroulèrent en plain air. Elle l’invita plusieurs souvent chez elle mais il refusait obstinément. Jusqu’au jour où il réussit à la rattraper lors d’une nouvelle sortie. Il trouva la victoire étrangement facile, mais mis ses soupçons en veilleuse pour l’embrasser de bonne grâce. Ce soir là, il passa la nuit chez elle pour la première fois.

14 février 2006

Le professeur de chimie

Le professeur de chimie nous accueillit le jour de la rentrée par 4 heures de cours consécutifs, qui nous mis d’emblée à plat.
Cet homme avait une diction hachée, hésitante, qui obligeait l’auditoire à maintenir son attention en permanence. Son ton était plutôt monocorde, mais pouvait s’emballer dans une sorte d’accès de colère quand il était dérangé. Son débit s’accélérait alors et l’on voyait immanquablement son regard se focaliser sur deux étudiants qui bavardaient. Si ceux-ci cessaient leur discussion, le ton et le regard se calmaient et le débit reprenait son rythme hésitant. Si par malheur les étudiants ne s’apercevaient pas de l’attention qui leur était portée par le professeur, et à vrai dire par l’ensemble de l’amphithéâtre qui voyait se nouer le minuscule mélodrame, alors une sorte d’explosion verbale les ramenaient à la réalité. Le professeur hurlait leur nom et les deux élèves se retrouvaient cloués au pilori pendant de longues secondes d’un silence assourdissant. Par cette méthode, le professeur maintenait l’ordre dans son amphi surpeuplé.
Dans la majorité de ses phrases, il utilisait le mot « excessivement ». Ainsi, le mélange hydrogène-oxygène était-il « excessivement explosif » : une détonation violente nous fit sursauter à la suite de cette annonce. En effet, il avait approché ledit mélange d’une flamme, provoquant l’explosion. Mais que certains exercices qu’ils nous donnaient fussent « excessivement faciles » méritait réflexion. De même, la découverte par tel ou tel savant du XIXème siècle d’un principe chimique « excessivement important » nous laissait froids.
Il gardait la distance avec les étudiants, ne s’autorisant guère à nouer une quelconque relation avec eux. Il les vouvoyait systématiquement. Aussi je me sentis particulièrement fier quand il me remis un devoir que j’avais « excessivement bien réussit ».

Stage d’écriture « Ecrire la fiction », 14 février 2006.

13 février 2006

Le Lac

C’est un royaume minuscule, sur les rives d’un lac savoyard. Un terrain étroit, tout en longueur, coincé entre la voie ferrée et l’eau verte. On y accède par un chemin qui se détache de la route nationale où les voitures passent rapidement. On passe sur un pont au-dessus de la voie ferrée, agrémenté de panneaux d’avertissement à têtes de mort entourées d’éclairs électriques, fascinantes et mystérieuses pour les enfants qui circulent à pieds et en vélo.

Un petit parking et un portail blanc : un chemin privé qui longe la voie à gauche, et qui descend en pente douce jusqu’à la plage. A droite, une maison moderne tout en toit pentu, en fait deux maisons jumelles symétriques accolées, et au-delà, la masse d’eau du lac. Partout résonnent les cris d’enfants et par un bel après-midi d’été, le regard est ébloui par les reflets du soleil. On distingue des formes mouvantes, des éclaboussures et loin, très loin, une abbaye, perdue dans la verdure de l’autre rive, à flanc de montagne.

Le terrain n’est que talus et murets, et la plage cailloux et roseaux. En automne, ce lieu n’appartient qu’aux oiseaux sauvages, mais en été, ils cèdent la place à une tribu, nombreuse et bruyante.

Les petits se défient, se courent après, s’égaillent ou se regroupent selon les affinités de l’instant. Parfois, un cri, une blessure, un incident qui ne dure pas. Les adolescents s’enferment loin des adultes ou passent de longues heures à discuter sur le radeau accroché à 30 mètres du rivage. Ils se cherchent entre eux, provoquent les parents, s’échappent quelques fois du royaume, reviennent toujours. Les adultes font une trêve dans leur vie, surveillent leur monde d’un œil depuis un transat ou un hamac, mettent de l’ordre dans les disputes, sonnent l’appel des repas, organisent une sortie en barque vers l’abbaye. Une ou deux fois dans l’été, petits et grands se réunissent pour une grande fête ou un spectacle dont la répétition les a mobilisés plusieurs après-midi de suite.

Parfois la pluie s’en mêle. Des échanges s’organisent entre familles, la maison remplace l’herbe et la plage, les parties de cartes remplacent les plongeons. Des placards qui sentent la poussière servent de cabanes.

Le matin, à l’aube quand tout le monde dort, il n’y aucun bruit, d’un bout à l’autre du terrain. Le lève-tôt solitaire, sortant de la maison, sent la fraîcheur de la rosée sous ses pieds-nus, et les picotements de la mauvaise herbe, sur le chemin. Sur les cailloux de la plage, il marche avec précautions, avant de s’installer sur une digue de pierre, face au lac. Il sent le vent sur sa peau, entend les cris des oiseaux et le petit moteur d’une barque de pêcheur. Au loin, dans l’air si transparent, il voit l’abbaye comme à portée de main. Et là, simplement, il se sent calme, infiniment.



Stage d’écriture « Ecrire la fiction », 13 février 2006.

12 février 2006

L'amour c'est

L'amour, c'est rencontrer quelqu'un qui vous donne des nouvelles de vous.
André Breton
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