29 mars 2009

Un dimanche de silence

C’était un dimanche de silence. Nous ne nous parlions plus depuis quelques semaines. Un email de temps en temps, dans lequel ce qui nous séparait prenait toute la place. Un dimanche de tristesse, mais un dimanche nécessaire pour que chacun puisse se réapproprier sa vie. Il était déjà tard, 18h30 passées, mais il faisait jour. Je sortis de chez moi les mains dans les poches.
J’avais faim d’un flan. Rue de l’Ancienne Comédie, la boulangerie était fermée. Je pris à gauche, rue de Buci, pleine de monde en terrasse. Chez Paul, il n’y avait plus de flan : je pris un chausson aux pommes. Acides et croquants, je les aimais vraiment bien, malgré le côté industriel de la boutique. La fille derrière moi était plutôt jolie et avait l’accent américain. Je type qui servait, avec son bonnet sur la tête, avait aussi l’accent américain, et je trouvais plutôt drôle qu’ils se parlent - avec difficultés - en français.

Je m’engageais dans la rue Dauphine en croquant mon chausson. Au Pont Neuf, je regardais le jardin du Vert-Galant d’en haut quelques instants, et je remarquais une couple qui se bécotait près de moi. La fille me souris, comme en s’excusant de leur manque de pudeur. Un peu plus loin, un type jeune prenait des photos avec un gros reflex. Il était seul et prenait la Seine, ou un lampadaire du pont, avec sérieux. J’avais envie d’une cigarette, mais je voulais attendre le plus possible avant de l’allumer. De l’autre côté, je longeais la Samaritaine, fermée pour causes de "travaux longs", comme indiqué sur de nombreux panneaux apposés sur les vitrines vides. Je traversais et observais, dans la vitrine de Kenzo, de jolies chaussures de ville, avec une petite gravure de fleur dans le cuir noir, qui me fit sourire. Je pensais à cette chemise que tu m’avais offerte, et à ton jean avec une grosse fleur sur la fesse gauche.
Je voulais passer devant l’endroit où j’avais trouvé refuge, en avril, 3 ans plus tôt, quand ma vie prenait l’eau. Rue Saint-Honoré, je passais devant la boucherie « détail et demi-gros » dont les odeurs m’écœuraient le matin, quand je partais au travail. Je m’arrêtais un instant devant le 70, regardant en l’air, cherchant un détail qui me rappellerait cette période. Mais le studio que je louais était sur cours, donc invisible de là où j’étais.

Je traversais le jardin du Forum des Halles. Population mélangée : familles avec enfants, amoureux, touristes, et zonards. De l’autre côté, en haut du tapis roulant qui descend vers le cinéma, je m’arrêtais, tournant sur moi-même dans la foule, comme si je cherchais quelqu’un. Combien de films avions-nous vu là ? Devant le pub irlandais Quigley’s Point, où nous avions bu un verre, un soir, des types en t-shirts faisaient beaucoup de bruit. Rue du Jour, Agnès B. C’est là que j’avais acheté une chemise en popeline bleue pâle que j’adorais, il y a plus de 20 ans. Maintenant, il y a Zadig&Voltaire, Antoine&Lili. Les « & » du boboland parisien.

Rue Montmartre, direction Nord. Un restau italien, la Bocca, où j’avais dîné un soir avec une copine, qui m’avait beaucoup soutenu quand j’étais mal et seul. Je m’en voulu aussitôt de ne pas l’appeler plus souvent. Je rejoignis la rue Montorgueil, noire de monde. Je sentis l’angoisse me gagner, comme chaque fois que je suis seul dans une foule. Ma phobie sociale reprennais le dessus. « Il faut que je change ça, il faut que je change ça. » Le regard des autres ? J’allumais ma cigarette et pris la direction Sud. Little Italy, le Rocher de Cancale. Nous y avions mangé ensemble. Jours gais, jours tristes. Combien de fois avions nous parcouru cette rue, dans un sens ou dans l’autre ? Descente vers les Halles. Au coin de la rue de Turbigo, je vis le café où j’avais pris un petit déjeuner en terrasse, un matin d’avril ou mai : je me souvins d’un oiseau, qui venait béqueter les miettes de mon croissant. Et à peine plus loin, le Palais des Halles, un restau chinois où j’avais commandé une soupe à emporter, un soir tard, transi de solitude, de désespoir et d’angoisse. Traversée du Forum. Je regardais les blousons en cuir en me disant qu'un jour, décidemment, il fallait que je m'en achète un, et m’éloignais quand un vendeur s’approcha.

Fontaine des Innocents : nous nous étions souvent retrouvés là. Jours gais, jours tristes. Je pris un velib, rue des Innocents, et passait au Châtelet, apercevant le café Sarah Bernard, de l’autre côté de la place, où nous avions passé un moment de tristesse. Tu avais bu un Perrier, et moi une bière, je crois.

Ile de la Cité, Palais de Justice : j’accélérais. Saint-Michel, centre de notre histoire, mon cœur et mes jambes battaient sur les pavés, à travers les roues du vélo. Rue Danton et le restau japonais où nous avions souvent dîné et croisé Valeria Bruni-Tedeschi. Je pensais à toi, à notre histoire, aux hauts et aux bas, à la fois inquiet et confiant. Odéon. La station vélib de la rue des Quatre-Vents était pleine, je trouvais une place rue Lobineau. Il était temps de rentrer. J'avais envie de te revoir.
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